Ecrit par Vernhes Claude,
le 03-11-2011 00:04
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Le Mazet de mes grands-parents maternels, Maurice VACHET-VALAZ et Yvonne FAVENTINE, était situé sur une des collines de Nîmes au nord est de la ville, plus précisément à 1,5 km du Quartier de la Gazelle sur la route d’Uzès.
Une différence le distinguait des autres masets : il s’écrivait avec un Z. En fait cette maisonnette avait un nom gravé sur un des 2 piliers de l’entrée, « les Mandragores », mais tout le monde l’a toujours appelé simplement Le Mazet.
Ils l’avaient acheté au début des années 1930 pour le bonheur d’abord de leurs deux filles, Renée (ma mère) et Jeanne (ma tante) puis de toutes la famille ; en effet ils habitaient un petit appartement rue de Condé, en face de l’Eglise St-Baudile (appelé avant guerre l’église des masetiers pour sa messe de 6h du matin). Le moyen le plus rapide pour y accéder était de prendre le tramway devant leur immeuble, de descendre à la Gazelle, de remonter la longue rue des Sophoras et de terminer par un raidillon caillouteux, un cul-de-sac donnant accès à 4 masets (Impasse des Sophoras ?). La montée était rude mais loin de Nîmes et de la foule l’accueil par le chant des cigales nous donnait des ailes. Devant le Mazet, un portail, une grille en fer forgée, une cloche pour s’annoncer, et une allée-jeu de boules bordée de lavandins nous menait à notre « maison de campagne » ; une vue superbe vers le nord et l’est, Courbessac et son aérodrome en contrebas, plus loin le village de Marguerite, la plaine vers Tarascon et Avignon, le Mont-Ventoux et les contreforts des Alpes au loin. Le décor pouvait être superbe au printemps avec les amandiers en fleurs et le Mont-Ventoux encore enneigé.
Le Mazet lui-même, un terrain de 7500m², plus grand donc que la moyenne
des masets Nîmois qui était je crois de 1000m², une maison de 2 grandes
pièces, une petite cuisine mais surtout deux terrasses ombragées en L,
une tonnelle fleurie pleine de senteurs en saison. Le terrain étant en
pente 2 caves très fraiches en contrebas servaient à conserver les
produits périssables, spécialement les tomes de Savoie de « Pépé »
(Maurice).
Dans ce Mazet on pouvait distinguer 2 parties bien distinctes : la 1e
autour de la maison était très entretenue, massifs de fleurs, arbustes
taillées, arbres fruitiers ; l’autre avait plus un aspect de garrigue où
poussaient seulement des oliviers.
Plus tard pour pouvoir accueillir tout le monde les
grands-parents firent construire un cabanon à 50m de la maison
principale : une pièce avec lit, une armoire, un poêle à charbon et une
fantastique collection de Paris-Match et de Sélection du Reader-Digest,
c’était notre télé à nous enfants !
Notre Mazet avait tous les attributs des masets, à savoir :
- une tonnelle ombragée de plantes grimpantes et odoriférantes,
- un clapier pour quelques lapins dont s’occupait « Mémé » (Marie
PORTALEZ, mon arrière grand-mère, la maman d’Yvonne). Il y eu aussi des
poules et même un agneau au destin incertain !
- un « cagnard » c'est-à-dire une terrasse en coin orientée au sud-ouest
où l’on trouvait asile quand il faisait froid ou à l’abri du mistral
quand il soufflait en rafales,
- un « clapas » amas de pierre résultat du nettoyage du terrain depuis
des décennies ; haut de 2 m et long de 10 nous l’escaladions volontiers
et au sommet notre regard d’enfant curieux plongeait sur les masets
voisins,
- quelques « ronciers » à la bordure d’un maset voisin, que nous évitions prudemment
- une citerne alimentée par l’eau de pluie dont une partie était filtrée
et utilisée pour la cuisson des aliments et l’autre non filtrée pour
l’arrosage des fleurs.
- un jeu de boules d’une vingtaine de mètres, bordé de lavandins, allant de l’entrée du portail d’entrée jusqu’au Mazet,
Des arbres à profusion :
- un immense alisier aux branches énormes dominant l’habitation
procurait de l’ombre aux 2 terrasses ; elle était aussi le terrain de
nos périlleuses ascensions,
- plusieurs figuiers le long du jeu de boules, un cerisier, un
abricotier, plusieurs amandiers explosant en fleurs blanches au
printemps, quelques petits chênes verts, un arbre de Judée, un ou deux
cyprès, et plusieurs arbres fruitiers méditerranéens plus rares, un
arbousier, un néflier, un cognassier, un jujubier,
-une vingtaine d’oliviers séculaires aux troncs noueux et torturés mais
donnant assez d’olives pour que les grands-parents les fassent traiter
par un moulin proche et en reçoivent assez d’huile pour leur
consommation annuelle,
- une dizaine de pieds de vignes dont les quelques kg de raisins noirs
étaient écrasés aux pieds par les petits enfants que nous étions dans le
tub sanitaire pour obtenir 2 ou 3 litre de jus de raisin frais !
- des plantes et des arbustes : lauriers,
- des massifs de fleurs tout au long des petites allées autour de la
maison, du lavandin le long de l’allée de l’entrée que l’on retrouvait
en sachet dans les armoires, des iris bleu de lin à profusion, des
rosiers de plusieurs types aux noms étranges, des magnolias et beaucoup
d’autres fleurs dont j’ai oublié le nom,
- des plantes aromatiques poussant un peu partout, thym, serpolet, romarins, menthe…..
Voilà le Mazet des grands-parents, de ma mère et de ma tante avant de
devenir celui de toute la famille, spécialement les VACHET-VALAZ, les
VERNHES et leurs amis dans les années 30, 40 et 50.
Personnellement j’ai d’extraordinaires souvenirs de vacances au Mazet à
Noël, Pâques et Pentecôte avec mes frères (nous habitions Béziers) et
mes cousins germains (qui habitaient Nîmes), des réunions de famille,
des banquets plutôt, le souvenir de cousins Vachet-Valaz (Youyou du
Vigan) qui avaient un maset plus bas et qui devant traverser le notre
nous prévenaient « nous ne faisons que passer » mais invités à
l’apéritif passaient la journée avec nous et avaient à peine le temps
d’ouvrir le leur !
Le soir munis de brocs et de seaux nous devions traverser leur maset,
vide, pour aller chercher l’eau potable et très fraiche au puits en bas
de la colline. C’était un rituel presque quotidien, assez fatigant, mais
au retour les grands avaient droit au pastis et les petits à l’orgeat !
Souvenirs de Noël et de la messe de minuit à St-Vincent-de-Paul,
l’église de La Gazelle, en fait trois messes dont la dernière était très
courte (cf. Alphonse Daudet) ; nous descendions la colline en
procession avec des lampions chinois et remontions joyeusement au Mazet
où le Père Noël était passé (« Pépé qui gardait la maison !»).
Souvenir du Vendredi Saint quand vers 15h, ma Grand-mère, ma Mère et ma
Tante lisaient la Passion au fond du Mazet sous les oliviers.
Souvenir des agapes familiales et de la sieste traditionnelle de Pépé
(son « pénéqué ») avant la partie de boules, généralement nous le
voyions partir une couverture sous le bras s’installer dans l’ombre
tamisée d’un olivier. C’était un moment sacré !
Souvenir des agrés : balançoire, cordes lisses et à nœuds permettant jeux et exploits sans fin.
Souvenirs des évolutions de monoplans, biplans, planeurs au dessus de
Courbessac, du meeting aérien annuel et des incroyables voltiges de ces
petits appareils.
Souvenir enfin de Mamy, notre grand-mère aux doigts verts
veillant jalousement sur ses rosiers, recueillant aussi, avec Pépé, nos
confidences et nos soucis d’enfant puis d’adolescent…
Ils vendirent le Mazet dans le milieu des années 1960, puis se
retirèrent dans une maison de retraite de Nîmes tenue par des
religieuses, une maison ouverte et chaleureuse. Pépé décéda en 1973 à
Nîmes et Mamy en 1981 à Sauve dans une autre maison de retraite.
Le Mazet manqua à tous, pour moi son absence marqua la fin de ma jeunesse. Rien depuis n’a pu le remplacer.
Heureux Nîmes et ses masets, heureux Nîmois qui ont connu les joies d’un maset dans leur jeunesse…
Il existe toujours un Comité du quartier de la Gazelle qui entre
autres actions perpétue le souvenir des masets d’antan et l’esprit
masetier.
Remarque : Je recherche d'éventuelles informations d'autrefois ou d'aujourd'hui sur les VACHET (-VALAZ), mes "grands cousins" qui ont tenu le café de la Gazelle. Merci d'avance mais j'espère que mon témoignage évoquera quelques souvenirs.
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