« Le 24 (Août 44), on fut réveillés par un bruit infernal à 6heures du matin ; sur la route (d'Uzès) un cortège invraisemblable de voitures, vélos, charrettes....Les Allemands partaient avec tout ce qu'ils pouvaient prendre pour se sauver plus vite.
On entendait les avions anglais qui descendaient en rase-motte pour mitrailler le convoi; dans le quartier les murs furent criblés d'impacts de balles.
Pour aller plus vite, ils abandonnèrent tout: fusils, munitions, provisions....Le jeu de boules étaient rempli de fusils.
Quand il n'y eut plus de bruits et que l'on entendit plus les avions, on osa s'aventurer sur la route et tout le monde récupéra ce qu'il pouvait: on abattit même devant l'école un cheval blessé , que l'on dépeça sur place ! Tant pis pour l'hygiène quand on a faim !
On déplora un mort qui habitait la maison à côté du Pont. Il passa la tête au-dessus de son mur pour voir ce qui se passait : il fut décapité !
Les jours qui suivirent furent vécus dans l'euphorie générale.
Contrairement à certains endroits il n'y eut pas de règlement de compte à part le capitaine Mourlevat, pétainiste enragé, qu'on mit devant la caserne à balayer le trottoir pendant 3 jours !
Quant au milicien, un certain Troupillon (qui habitait la Cité Paul Giran et faisait la chasse aux jeunes pour le S.T.O. - service du travail obligatoire - en menaçant les familles des réfractaires), il fut arrêté. Il avait aussi procédé à des arrestations comme celle de M. Beglioli, très connu et estimé dans le quartier mais qu'on n'a plus revu sans qu'on n'ait jamais su pourquoi. Ce « Troupillon » fut donc arrêté mais relâché quelques temps après : il avait 5 enfants...et puis dans le quartier on n'était pas vindicatif !
Plus de couvre-feu, la lumière revenue, les promenades sur la Route reprirent le soir (il n'y avait pas encore beaucoup de voitures). La terrasse du Café, sous sa vigne-vierge, fit le plein...Le Quartier avait retrouvé son animation d'avant-guerre. »
Extrait du Cahier de Souvenirs de Mme Couve
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